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Retour d’expérience : Développer les surfaces en herbe avec le pâturage tournant dynamique – dept. 79

Le maintien de l’élevage est un enjeu pour Niort Agglomération sur les aires d’alimentation de captages d’eau potable qu’elle exploite. Éleveur, dans le département des Deux-Sèvres à Saint-Martin-de-Bernegoue, dans le bassin à dominante céréalière de la vallée de la Courance, Guillaume Juillet remet en question son système d’affouragement. Le pâturage tournant dynamique lui permet de développer des surfaces en prairie et d’évoluer vers un système plus robuste tant d’un point de vue économique qu’environnemental.

Guillaume Juillet

Photo de Guillaume Juillet

© Agence de l’eau Loire-Bretagne

Lors de mon installation en 2002, mon objectif était de maintenir les différents ateliers déjà présents sur l’exploitation et d’augmenter le troupeau caprin par deux, nécessitant de nouveaux investissements importants (bâtiment et salle de traite). Finalement, et ce malgré l’aide continuelle de mon père, la charge de travail est restée importante sur l’exploitation.

J’ai remis en question mon système d’élevage suite à une rencontre avec un éleveur du sud de la France sur un concours de vaches et grâce aux échanges et conseils qui ont suivi. Dans un premier temps, je pensais que le pâturage tournant ne pouvait pas marcher chez nous avec des terres humides.

Au lieu de garder les animaux en bâtiment toute l’année et de leur apporter des fourrages, j’ai fait le choix de les faire pâturer : moins de foin et de paille à rentrer l’été, moins de fumier à gérer l’hiver. Ce choix devrait me permettre de lisser la charge de travail et d’abaisser les charges de mécanisation.

D’un système intensif en bâtiment à un système d’intensification de l’herbe

Depuis 2013, je m’intéresse à la sélection de mes taureaux afin d’améliorer le niveau génétique de mon troupeau de vache à viande de race blonde d’Aquitaine. Mon objectif est, aujourd’hui, de stabiliser mon troupeau à 65 vaches allaitantes, soit 150 têtes avec les suites.

Après l’abandon du projet d’installation d’un jeune sur l’exploitation, traire 500 chèvres par jour ne m’était plus possible seul. J’ai vendu le troupeau en 2016. Je valorise maintenant le bâtiment, d’avril à janvier, avec la mise en pension de chevrettes d’un élevage voisin. Cela m’a permis de mieux équilibrer le temps de travail entre les différents ateliers.

Augmenter la surface en prairies sur des terres humides

Je mets actuellement en place le pâturage tournant dynamique avec le conseil de plusieurs structures spécialisées. Je passe d’un système intensif en bâtiment à un système d’intensification de l’herbe. Sur mes 128 ha de terres, je fais progresser la surface en prairie de 27 à 70 ha.

Avant 10 ha étaient pâturés et 37 ha servaient à la production de foin et d’enrubannage. Le reste était en rotation céréalière avec du maïs. Aujourd’hui, les 70 ha de terres les plus argileuses sont en prairies pâturées et le stock de fourrage est directement produit sur pied dans les prairies.

Sortie du troupeau de génisses

Photo d'illustration

© Guillaume Juillet

Ce sont les vaches qui réalisent le travail des machines. Un mélange de 13 espèces (ray-grass, avoine, vesce, trèfle, plantain, chicorée…) produit le fourrage de qualité pour toute l’année. Sur les 60 ha restant, en terre de groie argilo calcaire, tourne une rotation 50% blé et 50% de prairie temporaire pour des foins. Les 30 ha de blé fournissent la paille nécessaire pour les bâtiments. Les vaches sont rentrées 4 mois l’hiver en bâtiment pour mieux suivre les vêlages. Les génisses d’un an restent au maximum dehors.

Enrichir le sol, lutter contre les mauvaises herbes

Entre la récolte du blé et le semis de la prairie temporaire, je sème un couvert végétal multi-espèces (féverole, tournesol…). Il coupe le cycle des mauvaises herbes et apporte de la matière organique au sol. Le couvert est broyé en février. Le mélange fourrager est semé dans la foulée sans labour en mars.

Des charges réduites

J’ai réduit mon parc matériel en vendant la mélangeuse. J’ai diminué le poste carburant et le recours aux prestataires extérieurs pour l’enrubannage et la récolte des cultures. L’augmentation des surfaces en prairie me permet de limiter de manière conséquente le recours aux engrais minéraux et produits phytosanitaires.

Mon système herbager devient autonome sur mes 128 ha. J’ai investi 500 €/ha de prairie pour le matériel de clôture et d’abreuvement des animaux à partir du réseau d’eau potable, et l’achat des semences pour l’implantation des praires. Ce système est aussi une solution technique à l’absence de ressource en eau pour l’irrigation.

Un accompagnement indispensable

Des formations pour intensifier la production d’herbe

J’ai réalisé des formations, 2 jours de théorie et 1 jour de pratique, pour la pose des clôtures. J’apprends à « intensifier » la production de l’herbe. Avec la pose de clôtures fixes et mobiles mes prairies sont quadrillées en parcelles de 10 ares. J’adapte ainsi la surface au nombre d’animaux. Les vaches ne restent pas plus de 3 jours sur une même parcelle et y reviennent toutes les 3 semaines. Le temps de présence est limité pour protéger les jeunes pousses et éviter le refus. Mon système devient plus robuste.

La direction départementale des territoires m’a orienté vers le service des eaux de la Vallée de la Courance. Depuis, Alexis m’accompagne dans mes démarches.

J’ai participé à une action sur les couverts végétaux et les méteils. Le service des eaux m’a fourni des semences pour réaliser ces expérimentations agro-environnementales.

Photo d'illustration

© Guillaume Juillet

Des aides pour de nouvelles prairies

En 2019, le service des eaux de la vallée de la Corance, associé au centre national de la rechrche scientifique (CNRS) pour les enjeux eau et biodiversité, m’a incité à m’engager dans une mesure agro-environnementale et climatique (Maec) pour la création de nouvelles prairies. Ainsi, je bénéficie pendant 5 ans de 300 €/ha pour 30 ha de nouvelles prairies. Ces indemnités m’apportent un complément de revenu sur les premières années de mise en place du pâturage tournant.

L’accompagnement individuel est indispensable pour développer et perfectionner ma démarche. Il est difficile de trouver des compétences en élevage sur ces techniques spécifiques dans les zones céréalières. C’est ce qui a manqué la première année.

Avec le service des eaux, nous avons le projet d’organiser une porte ouverte pour diffuser mon expérience vers les autres éleveurs.

Alexis Ingrand

Photo d'Alexis Ingrand

© Agence de l’eau Loire-Bretagne

Animateur agricole Re-Sources au service des eaux de la vallée de la Courance / Communauté d’agglomération du Niortais

«  La vallée de la Courance est classée en captage « Grenelle » à protéger. Le maintien de l’élevage est un enjeu pour maîtriser les risques de pollution par les nitrates et les pesticides sur l’aire d’alimentation des captages qui compte environ soixante polyculteurs- éleveurs sur les 180 exploitations agricoles.
Le service des eaux a lancé une étude sur la promotion des systèmes herbagers. L’organisme PatureSens a été retenu pour mener cette étude. Cinq éleveurs, retenus suite à un appel à candidature, participent à l’état des lieux des pratiques. Ils bénéficient d’un appui avec des temps individuels et collectifs pour faire progresser leurs pratiques. Guillaume Juillet, qui avait démarré sa propre réflexion avant le lancement de l’étude, fait partie de ces cinq éleveurs. »

Le  principe du pâturage tournant dynamique :

Diviser les prairies en parcelles de petite taille et à faire une rotation entre chaque parcelle avec :

  • un temps de repos à respecter entre deux pâturages pour bien régénérer les plantes. En été, il est allongé, le temps de repousse des plantes étant plus lent qu’au printemps.
  • une durée de pâturage courte, avec un nombre d’animaux par unité de surface adapté à la quantité d’herbe disponible pour éviter le surpâturage. L’herbe n’est pas pâturée trop rase pour ne pas freiner sa repousse.

Le pâturage tournant dynamique nécessite une gestion rigoureuse. L’agriculteur doit changer les animaux de parcelle régulièrement, tous les deux jours environ, et être attentif aux indicateurs d’état de la prairie : hauteur de l’herbe, nombre de feuilles sur les plantes, espèces présentes, stade phénologique, croissance de l’herbe, temps de repos des prairies, durée et chargement au pâturage.

Ce système permet de concilier quantité et qualité de l’herbe. Il valorise la prairie en limitant les pertes liées au piétinement et aux refus. Il s’inscrit dans une démarche agro-écologique en favorisant l’autonomie fourragère des exploitations agricoles tout en diminuant les passages de tracteur.

Source : Agence de l’eau Loire-Bretagne